Elle n'a que 27 ans. Mais elle travaille comme artiste de cirque depuis déjà 12 ans!

Le Cirque Eos, Éloize, Les 7 doigts, l'équilibriste originaire de Québec ne manque pas de boulot. Et pourtant, dans ses temps libres, Geneviève Drolet s'est mise à écrire et écrire, jusqu'à ce qu'elle tienne d'une seule main la matière de son premier roman. Un manuscrit qu'elle a écrit en trois mois.

Plus tôt cette semaine, la jeune femme a lancé au Cirque Éloize Sexe chronique, publié cet automne aux éditions Coups de tête. Un travail d'édition qui s'est étiré sur une période de quatre ans, piloté par l'auteur et chroniqueur Michel Vézina, ferré en cirque, qui a notamment coécrit le spectacle La vie, des 7 doigts de la main.

Sexe chronique relève clairement de l'autofiction, même si le personnage principal de Kira a été créé de toutes pièces. «C'est sûr que je me suis inspiré des gens qui gravitent autour de moi, du milieu du cirque, de ma vie. Mais les choses qui se passent, je ne les ai pas nécessairement vécues. C'est facile de faire des liens, mais ça reste de la fiction.»

Cette longue chronique a des airs de journal intime. L'auteure y rapporte les allées et venues de Kira, jeune contorsionniste talentueuse mais peu sûre d'elle, qui a un penchant pour le sexe vite consommé. Qui lutte pour ne pas être un «objet» en même temps qu'elle s'y complaît. Un jour de grande bise, elle fait la rencontre de Tom, plus vieux qu'elle, de qui elle tombe littéralement amoureuse.

«Je pense que le personnage de Kira représente bien toute l'intensité des artistes de cirque, explique Geneviève Drolet. Mais Kira souffre d'un manque d'éducation émotionnelle, elle est donc confrontée à ses sentiments pour la première fois.» Kira, qui tanguera entre son histoire avec Tom et une relation lesbienne avec son amie Gab, sombrera peu à peu dans un abîme.

Dans toute la galerie de personnages, seule la mère de Kira est authentique: une femme accoutrée de djellabas multicolores qui vit avec sa copine et toute une ménagerie d'oiseaux et d'animaux domestiques. «Tout ce que j'ai écrit sur ma mère est vrai! dit Geneviève Drolet. Elle est tellement originale que je voulais la représenter telle qu'elle est.»

Toutes ces histoires de fesses assez explicites nous renvoient à des personnages qui sont plutôt bien dans leur peau. Ce culte du corps bien modelé complique-t-il les rapports amoureux? «C'est sûr qu'on n'est plus conscient de l'image qu'on projette, répond la jeune auteure. Et puis la ligne est fine entre notre boulot et le plaisir puisque nous travaillons avec notre corps. Ça le complique dans le sens où il peut y avoir de mauvaises interprétations de tout ça. C'est facile de se laisser aller...»

Mais la difficulté est aussi liée au mode de vie de ces nomades des temps modernes. Le quotidien des artistes de cirque autonomes n'est pas de tout repos. Beaucoup de déplacements, de nombreux voyages, des tournées, tout ceci entraîne forcément une instabilité des relations affectives. D'où les rapports parfois ambigus entre les membres de cette famille élargie. Sexe chronique rend bien compte de cette réalité.

La consommation de drogues (ecstasy, marijuana, champignons magiques) y est fréquemment évoquée. Une autre réalité du milieu, même si Geneviève Drolet estime qu'elle n'est pas plus répandue qu'ailleurs. «C'est sûr que les artistes de cirque ont un besoin très fort de ressentir des choses, un besoin de vertiges. Chaque fin de spectacle est aussi l'occasion de boire, de fumer, de faire la fête. Mais je n'ai jamais croisé d'artiste qui a performé sous influence.»

Geneviève Drolet participera bientôt au spectacle La vie des 7 doigts de la main, qui a commencé une nouvelle tournée européenne cet automne. L'Autriche dans deux semaines, suivie de l'Allemagne pendant quatre mois, l'auteure cédera ainsi le pas à l'équilibriste, en attendant que l'auteure refasse surface...

Sexe chronique

Geneviève Drolet

Coups de tête, 325 pages